Le manchot royal est un oiseau pélagique mais il alterne entre terre et océan au cours de son cycle reproducteur qui s'étend sur environ 13 mois. Ce cycle inclue 3 différentes périodes: l'appariement/accouplement qui implique le choix d'un partenaire sexuel, l'incubation d'environ 54 jours puis l'élevage allant de la garde du poussin à son "envol". Les individus sont constamment confrontés à des conditions difficiles telles que le climat rude, la forte pression de prédation, la densité importante de la colonie, les périodes de jeûne prolongées, le parasitisme, ...
L'objectif du programme 119 est d'étudier l'écophysiologie comportementale du manchot royal et ses adaptations aux conditions sociales et environnementales imposées par le cycle reproducteur. Nos recherches s'articulent en 5 axes inter-connectés:
•Stress thermique et changement globaux
•Adaptations énergétiques au jeûne
•Comportement et stress social
•Performances des animaux à terre et en mer
Stress thermique et changement globaux
description étude HOT PENGUIN
Comportement et stress social
Les colonies de manchots royaux connaissent une forte augmentation de leur densité en période de reproduction. Les individus doivent défendre leur emplacement (environ 80 cm de diamètre) car la zone choisie a une grande importance pour le succès reproducteur. La centralité au sein de la colonie a également un impact majeur car si le niveau de stress social est inférieur en périphérie, l'exposition au risque de prédation y est également plus élevé. Cette étude vise donc à tester l'hypothèse d'une relation entre les niveaux plasmatiques de corticostérone (hormone de stress, CORT) et l'agressivité chez les adultes reproducteurs, les individus les plus agressifs étant supposés occuper des positions plus centrales dans la colonie. Nous étudions ainsi les relations entre la corticostéronémie (modifiée ou non), le comportement des oiseaux, l'établissement du territoire et le succès reproducteur.
Ceci nous permettra de déterminer si la CORT est un facteur causal permettant aux oiseaux plus agressifs d’occuper des positions plus centrales dans la colonie ou si les niveaux supérieurs de CORT observés chez les oiseaux centraux sont une conséquence de la densité sociale plus élevée et du stress social associé (Viblanc et al., 2014a).
Performances des animaux à terre et en mer
Cette étude est un travail de fond initié depuis quelques années pour décrire
les liens entre la morphologie, la physiologie et le comportement durant la reproduction chez le manchot royal. Cette approche inclue également la prise en compte des conditions environnementales pour tester l'importance de la sélection naturelle sur des combinaisons de traits particuliers. In fine, l'objectif est de déterminer l’effet de l’environnement et des caractéristiques parentales sur la variation naturelle du phénotype chez les poussins et sur le succès reproducteur du couple.
L'un des axes majeurs de cette étude est la comparaison des individus reproducteurs précoces et tardifs. En effet, la durée du cycle reproducteur chez le manchot royal étant supérieur à un an, certains individus entreront en reproduction plus tard que les autres car leur cycle précédent n'est pas terminé. Bien que leurs chances de succès soient amoindries, certains couples tardifs parviennent à mener leur poussin à terme. Nous cherchons donc à déterminer l'impact des caractéristiques individuelles parentales sur ces chances de succès reproducteur.
Ecophysiologie du stress et du vieillissement
Bien que le vieillissement soit un processus complexe et multifactoriel, le dysfonctionnement mitochondrial, le stress oxydatif et le raccourcissement des télomères semblent en être des facteurs majeurs. En effet, la mitochondrie est le principal producteur de dérivés réactifs de l'oxygène (ROS) qui peuvent endommager la cellule et raccourcir la durée de vie lorsqu'ils sont produits en excès (stress oxydatif). Ce phénomène est exacerbé lors d'une exposition au stress via l'altération de la fonction mitochondriale par l'hormone de stress (glucocorticoïdes). Le stress oxydatif contribue à accélérer le raccourcissement des télomères, structures d'ADN non-codantes qui protègent les extrémités des chromosomes, contribuant ainsi à protéger les cellules de la sénescence.
Cette étude vise donc à comprendre ces processus de vieillissement chez le manchot royal et expliquer les différences inter-individuelles observées en intégrant les paramètres environnementaux, les performances individuelles et le succès reproducteur.
Sélection sexuelle et évolution des ornements colorés
La théorie de la sélection sexuelle propose que des traits morphologiques extravagants puissent être conservés au cours de l'évolution s’ils procurent des avantages à leurs porteurs pour l’accès à la reproduction. Ces traits sont coûteux à produire/maintenir et doivent par conséquent «honnêtement» refléter la qualité du porteur, puisque seuls les individus capables d’investir à la fois dans leur survie et dans leur ornementation sont en mesure de revêtir de tels apparats.
Chez le manchot royal, mâles et femelles présentent de multiples ornements sexuels : de larges tâches auriculaires aux plumes jaune-orange vives, un dégradé pectoral avec des plumes allant du brun au jaune, ainsi que deux plaques mandibulaires jaune orangées de part et d’autre du bec. Chez cette espèce, des études antérieures ont expérimentalement
démontré un rôle important des tâches auriculaires et du bec dans le choix du partenaire. En effet, réduire la surface (tâches) ou la brillance (bec) de ces ornements induit un délai dans l’appariement, plaçant ainsi ces signaux directement sous influence de la sélection sexuelle.
L'objectif de cette étude est de comprendre les mécanismes sous-jacents ces caractères sexuels secondaires et d'en évaluer l'effet sur le succès reproducteur des individus.
Adaptations énergétiques au jeûne
L'objectif général de ce projet est d'étudier la réponse adaptative de la recherche alimentaire en réponse à une déplétion plus ou moins importante des réserves énergétiques, selon qu’un seuil d’épuisement des réserves lipidiques ait été atteint ou non. C’est une situation à laquelle les manchots royaux sont naturellement confrontés pendant l’incubation et dépend, au moins en partie, de la durée du voyage alimentaire du partenaire. En effet, nous avons déjà montré chez cette espèce, dans des conditions optimales de la relève, que l’individu incubant conserve une masse lipidique supérieure à un niveau minimal défendu. Cependant, si le partenaire tarde à revenir, l’animal incubant fini par abandonner sa reproduction lorsque son métabolisme protéique est augmenté, sa masse lipidique ayant atteint une masse critique inférieure (Groscolas et Robin, 2001, Comp. Biochem. Physiol. A. et Robin et al., 2001, J. of Avian Biology pour revue).
Le manchot royal est un des rares modèles animaux chez lesquels cette situation peut être étudiée in natura. L’intérêt est à la fois fondamental pour comprendre le phénomène et peut avoir des implications en termes de biologie de la conservation, la durée des voyages alimentaires pouvant être modifiée par une perturbation de l’environnement, comme celle liée, par exemple, aux changements globaux ou à la surpêche.